Motivée par les fleurs esquissées à la craie blanche sur le tableau, Miyuki se leva comme emportée par un rêve et quitta la classe sous les regards ébahis de ses camarades.
Dehors, le printemps resplendissait. L’air était doux, chargé de parfums neufs, et elle avait décidé de suivre l’élan de son cœur : faire l’école buissonnière pour partir à la recherche de bouquets réels, plus beaux que tous ceux dessinés.
Elle traversa les quartiers animés de Nagoya, bousculée par la foule et le vacarme, jusqu’à ce que la ville s’efface derrière elle. Devant ses yeux s’ouvrait alors la campagne, tendre et verdoyante, au pied du Mont Fuji qui se dressait, majestueux, sous le ciel clair.
Éreintée par sa marche, elle se laissa tomber dans l’herbe, le visage tourné vers les nuages. Le chant des oiseaux berçait ses paupières, et bientôt, elle sombra dans un sommeil léger.
Quand la fraîcheur du soir la réveilla, l’angoisse la saisit : sa mère découvrirait qu’elle avait manqué l’école. Elle reprit sa course vers la ville, mais fut ralentie par la garde impériale qui, dans ses uniformes éclatants, paradait fièrement dans la lumière déclinante.
Enfin, essoufflée, elle atteignit sa maison. Elle ouvrit en hâte la fenêtre de sa chambre, espérant se faire oublier. Mais une voix résonna derrière elle :
— Miyuki ?
Elle n’osa répondre. La voix se fit plus insistante.
— Excuse-moi, Maman… J’étais partie cueillir des fleurs, pour toi.
Un éclat de rires la fit sursauter. Miyuki ouvrit les yeux : elle était toujours à son pupitre. C’était la voix de son institutrice qui l’avait tirée de sa rêverie.
Miyuki s’était simplement endormie, la tête encore pleine de fleurs et de songes.